Interview: Variety
Nouvelle interview de Kristen pour le numéro spécial Cannes du magazine américan 'Variety' ...
(Traduction faite par Caroline, merci de respecter son travail)
Kristen Stewart arrive dans un restaurant français de Los Feliz, sans être accompagnée – pas de publiciste, pas de garde du corps. Elle est incognito, avec un chapeau poussé bas sur la tête, les mains dans les poches, les bras nus ornés de tatouages. Ressemblant à un hipster comme un autre, elle salue le serveur par un nonchalant "Comment ça va, mec ?" (" mec" et "fuck" sont ces deux mots préférés) et commande un verre de Champagne avec une coupe de glace. Alors qu’elle réfléchit à sa vie, elle prend des petites gorgées, laissant les cubes de glace, un après l’autre, fondre dans les bulles.
A seulement 26 ans, Stewart est en train de réinventer sa carrière. Après avoir été catapultée vers la célébrité à 17 ans dans la franchise vampirique pour jeunes adultes "Twilight" , elle ne pouvait plus quitter sa maison sans les flashs des appareils photos à chaque pas. Le public est devenu obsédé par sa relation avec son petit copain de l’époque (et co-star) Robert Pattinson, et elle fut au sommet de toutes les listes des studios de cinéma pour jouer des rôles de fille. Depuis qu’elle a mis Bella Swan au repos en 2012, elle a tourné le dos à toutes ces propositions. Au lieu de ça, elle s’est mise à choisir des rôles de personnages – comme la fille (de Julianne Moore) dans "Still Alice" et l’assistante d’une célébrité (Juliette Binoche) dans le film d’Oliver Assayas "Clouds of Sils Maria", qui lui a valu un César l’année dernière.
"Je ne me suis pas taillée un certain chemin", dit Stewart au sujet de ces années post-Twilight . "Je n’ai pas à me battre durement pour être prise au sérieux. Autant que la série des "Twilight" m’a formée et définie aux yeux des autres gens dans un certain genre, autant pour moi, ce n’était pas quelque chose dont j’avais besoin de m’éloigner. C’était seulement une longue expérience sur un film que j’ai aimé."
Les cinq blockbusters basés sur les livres de Stephenie Meyer ont engrangé 3.3 milliards de dollars à travers le monde, mais ont également supprimé la vie privée de Stewart. Elle fut la personne la plus recherchée sur internet – la première jeune femme star à la tête d’une franchise de films - en 24 h sur TMZ. "Tous les gens que je rencontre me connaissent déjà", dit-elle, "c’est bizarre".
[…] elle a dû délivrer une excuse publique – un moment déchirant pour une actrice qui est habituellement si discrète sur sa vie personnelle. Stewart, qui appelle cet incident « le scandale » croit que cette société savoure de démolir les femmes pour les mettre à terre.
"Les femmes sont si promptes à porter jugement l’une contre l’autre", dit-elle. "C’est très inné, instinctif, débile, animalistique". Mais cela ne l’a pas découragée de tourner, de s’être retrouvée sous les projecteurs.
"C’est quelque chose qui était nuisible" dit Stewart de ce mauvais côté de la célébrité. "Comment pouvez-vous m’en vouloir si vous ne m’avez même jamais rencontrée ? "
Après avoir pris 18 mois de repos après la sortie du dernier film "Twilight" en 2012 – "C’était tellement surmédiatisé" dit-elle – Steward revint de plus belle pour tourner des films. Son CV est à présent chargé de titres de films indépendants d’avant-garde et expérimentaux et elle accumule des points-miles avec tous les vols qu’elle prend pour se rendre d’un festival du film à un autre. Elle a démarré le festival de Sundance 2016 avec un film de Kelly Reichardt 'Certain Women' dans lequel elle joue une enseignante de court du soir qui a une relation douce-amère avec une étudiante (Lily Gladstone). Elle est le rôle-titre dans le film de Drake Doremus 'Equals', une histoire d’amour décalée, qui a fait ses débuts à Venise et sort en salles le 15 juillet [aux Etats-Unis]. Elle vient de finir un rôle pivot en tant que sœur d’un héros de la guerre en Irak dans le film de Ang Lee ‘Billy Lynn’s Long Halftime Walk', qui sort à l’automne.
Et elle a 2 films programmés cette semaine au Festival de Cannes : la comédie 'Café Society' de Woody Allen qui fait l’ouverture, où elle incarne une secrétaire style Audrey Hepburn dans les années 30 ; et le film d’Assayas 'Personal Shopper', une étrange histoire de fantôme dans laquelle elle apparaît dans toutes les scènes.
"Elle jouait ce que j’ai écrit, mais elle le menait vers une autre dimension" dit Assayas. "C’est la chose la plus excitante à laquelle vous puissiez assister."
Stewart a grandi à Los Angeles, et a attraper le virus de la comédie grâce à sa famille. Sa mère, Jules Mann-Stewart, fait (entre autre) une carrière de correctrice de scripts. Son père, John Stewart est directeur de plateau, il a d'ailleurs travaillé sur le show des Oscar de cette année. Après sa 8è à l’école primaire, quand sa carrière a décollé, elle a quitté l’école publique pour être scolarisée à la maison.
"Ses parents sont des gens de l’industrie du cinéma" dit Jodie Foster, qui a joué le rôle-titre avec une Kristen de 11 ans dans "Panic Room". "C’était l’approche de Kristen pour jouer, c’était un travail."
Déjà à l’époque, Foster voit une qualité familière en Stewart. "Je sais que cela peut sembler prétentieux" dit Foster, "mais elle me rappelait vraiment moi-même quand j’étais enfant, mais c’était tout à fait comme jouer avec une adulte."
Stewart a entendu les gens la qualifier d’être réservée. Elle admet se sentir toujours nerveuse sur les tapis rouges, c’est pourquoi elle semble parfois peinée quand elle les remonte. "Le niveau de tumulte grandissant que j’ai eu à affronter face à tout ce monde est incroyable" dit-elle. "Pour quelqu’un qui est super sensible et renfermé, c’est l’endroit parfait pour moi d’y être poussée, parce que je suis comme ‘Oh my fucking God. Maintenant j'ai l'impression d'être dans une putain de fête foraine, je relève la tête et me dit : « Non, je mérite d’être là. »"
Elle garde de bons souvenirs du tournage du premier 'Twilight', le film qui a changé sa vie. Mais elle concède que les suites auraient dû être tournées plus vite. "Pour les suivants, nous avons essayé de satisfaire à quelque chose qui était moins spécifique" dit Stewart. "Il y avait une peur qui nous dictais nous conduite. Il n’y avait plus la cohésion. Je pense qu’ils se sont finis correctement, parce qu’il y avait toujours cette passion individuelle à les tourner. Ils sont un peu éclatés au mur, mais ils essaient de tenir ensemble."
Elle tourna un blockbuster de studio après 'Twilight' ; en 2012 'Blanche-Neige et le Chasseur' qui a engrangé globalement presque 400 millions de dollars. Mais quand vint le moment de tourner la suite, Universal ne l’a pas sollicitée. Rétrospectivement, elle en est contente. Le mois dernier, la sortie du 'Chasseur et la Reine des Glaces', une histoire qui revient sur les origines, avec Chris Hemsworth en tête d’affiche qui a fait le plein au box-office. "J'ai lu quelques scénarios" se souvient Stewart. "Aucun n’était bon. Aucun ne me donnait envie de donner le feu vert. Et j’ai eu une réunion avec Universal sur les possibilités de mener cette histoire. Peut-être que Chris était plus dedans, j’en sais foutrement rien."
Elle insiste sur le fait que l’étalage des tabloïds de sa relation avec Sanders ne fut pas un facteur de la décision prise par Universal. "Ce n’est pas une situation qui m’a fait me faire jeter du film parce que j’avais fait une bêtise" dit-elle. "Nous avons été en contact durant des mois après cette histoire pour arriver à quelque chose, mais ça n’a pas marché."
Stewart a découvert qu’une suite avati été faite dans un article de presse. "J’étais genre ‘OK, c’est cool’" dit-elle en riant. Sur sa relation avec Universal, elle plaisante : "Nous n’avons pas été en contact depuis longtemps, mais je ne savais pas que nous avions rompu." Le studio a pris contact avec elle pour lui demander si elle ferait une apparition dans un caméo en tant que Snow White. Elle leur a dit : "Je pourrais laisser faire ça. J’étais vraiment pour, mais…", elle ajoute avec un sourire, "maintenant, je suis plutôt ‘Dieu merci’ ". (Universal n’a pas daigné répondre à notre demande de commentaire).
En dépit de son parcours de films indépendants, Stewart n’est pas opposée à l'idée de refaire des blockbusters. "Je suis une gamine de la Valley" dit-elle, "j’aime les gros films que tout le monde va voir, et je suis impatiente d’avoir l’opportunité d'en refaire un. Mais ça doit être avec les bonnes personnes et au bon moment."
'Café Society' est le premier film depuis 'Twilight' pour lequel Stewart a dû passer une audition. Elle pensait avoir raté sa lecture à froid, parce l’extrait était un gros morceau. "J’ai une sorte d’énergie lourde, et le personnage est réellement à l’opposé de cela" dit Stewart, se référant au personnage qu’elle incarne à l’écran. Le film, placé dans les années 30, se concentre sur 2 hommes – un agent d'Hollywood (Steve Carell) et son neveu (Jesse Eisenberg) – qui sont en compétition pour l’affection d’une belle secrétaire de bureau (Stewart).
Allen n’était pas intéressé à couver sa star. En fait, il se moquait d’elle entre les prises sur sa façon de se tenir. "Je lui ai dit qu’elle marchait comme un lanceur remplaçant qui sort du banc de touche" dit Allen. Mais devant la caméra, Stewart parvenait exactement à exprimer la légèreté du personnage, et projetait une vulnérabilité gagnante. "Si on était en 1944 ou en 1935, elle aurait été une de ces stars de cinéma belle à tomber raide" dit Allen, qui n’a pas vu 'Twilight', mais au lieu de ça, a découvert Stewart, dans le film indépendant de 2009 'Adventureland'. "Elle aurait été au panthéon des actrices classiques comme Rita Hayworth ou Elizabeth Taylor."
Stewart a ses propres histoires à raconter au sujet du travail avec Allen. " Il sait tellement comment faire un bon numéro d’acteur" dit-elle, "il sait comment donner une bonne impression de lui-même et trouve ça tellement drôle." Après qu’une journée de travail de 8 heures soit bouclée, ajoute-t-elle, "il demandait toujours ce qu’on allait faire après le boulot" comme s’il espérait qu’on lui confierait un secret. Elle a reçu 2 remarques de la part du metteur en scène : "ça a l’air faux" et "accélère un peu, je suis en train de m’endormir." Mais à la fin, il a utilisé les prises plus lentes. "Il essaie de vous persuader qu’il est à côté de la plaque" dit Stewart. "Vous êtes comme, fuck, est-ce qu’on est en train de tourner le film le plus anti-Woody Allen de tous les films de Woody Allen ? Mais finalement, je crois qu’on a tourné celui qui est le plus proche de ce qui a fait la quintessence de son style."
Stewart admet qu’au début, elle avait des soucis à travailler avec Allen. Elle était au courant des allégations d’abus sexuels portés contre lui par sa fille, Dylan Farrow, qui a écrit une lettre ouverte au New York Times en 2014, condamnant des actrices comme Emma Stone et Scarlett Johansson de soutenir son travail. Après qu’elle est été castée, Stewart eut une conversation avec Eisenberg au sujet de la situation.
"Il disait : ‘qu’est-ce que tu crois ? Nous ne connaissons aucune des personnes impliquées. Je peux personnifier des situations, ce qui serait vraiment mal.’ Au bout du compte, Jesse et moi avons parlé de tout ça. Si nous avions été persécutés pour la quantité de merde qui a été racontée à notre sujet et qui n’est pas vrai, nos vies seraient finies" dit Stewart. "L’expérience de faire ce film était tellement hors de tout ça, c’était fructueux pour nous deux de continuer à le faire."
Eisenberg dit qu’il ne se rappelle pas cette conversation, mais il est impressionné par la manière dont Stewart a géré sa célébrité. "Si je devais devenir président des Etats-Unis, je n’aurais seulement qu’un aperçu de l’attention qu’elle a expérimenté" dit-il. "J’ai toujours les 3 mêmes personnes qui me suivent je les connais tous les 3. Elle, elle a des hélicoptères qui la suivent."
La philosophie de Stewart sur sa vie personnelle a été de dévier de toute question concernant ses intérêts romantiques. "Quand je voyais un mec, je ne parlais jamais de ma relation avec lui avec personne" dit-elle. "Je ressens toujours la même chose aujourd'hui" Elle n’utilise pas le mot « copine », malgré qu’elle ait été photographiée en public avec des femmes qu’elle était supposée fréquenter. "Je ne cache rien," dit-elle. "Et je suis très, à l’évidence … " Elle laisse le dernier mot de cette phrase en suspens.
Stewart dit qu’elle est inspirée par la façon dont les jeunes gens voient l’amour sans le définir. " Il y a une acceptation qui est devenue très répandue et cool" dit-elle. "Tu n’as pas à savoir immédiatement comment te définir toi-même." Stewart ne se sentait pas comme ça en grandissant, mais elle en est venue à adopter cette façon de voir les choses. "Il me fallait quelques réponses pour savoir qui j’étais. Je sentais cette responsabilité parce que je ne voulais pas avoir l’air apeurée. Mais rien ne semblait approprié. Alors je me suis dit ‘fuck, comment je définis ça ?’ Je ne vais pas le définir. En plus, je ne voulais pas merder avec d’autres gens" dit-elle, faisant allusion aux adolescents qui luttent avec leur sexualité. "Je ne voulais pas être cet exemple : c’est si facile. Je ne veux pas que ça leur paraisse stupide, pour eux, de traverser des périodes difficiles."
Elle dit qu’elle veut prendre part à la communauté LBGT (Lesbienne, Gay, Bisexuels, Transgenre). "Je trouve que le mouvement qui émerge est tellement important, que je veux en faire partie" dit-elle, sans utiliser le mot « gay ». (Quand on lui demande de confirmer que c’est bien ce qu’elle veut dire, elle plaisante avec le reporter Variety : "Genre, dis-le, comme ça on peut l’imprimer ?") "Moi, en ne me définissant pas ici et maintenant c'est exactement la base de ce que je suis" dit-elle. "Si tu ne saisis pas, je n’ai pas de temps à t’accorder"
Elle a pris la décision d’apparaître en public avec des copines – devant les paparazzis – parce qu’elle est à l'aise avec les images qui sont publiées. "C’est très important pour moi" dit-elle aux jeunes fans qui les voient. "Autant je veux me protéger, autant il n’est pas question de se cacher. Dès que tu commences à monter de murs, toi-même tu ne peux plus voir au-dessus, alors tu commences à t’isoler d’une manière qui n’est pas honnête. J’ai complètement trouvé comment je me sens bien. Je ne ramasse pas les lauriers pour ça." Elle dit que les temps ont changé et sa publiciste n’a même plus besoin de lui dire comment elle doit gérer ces questions. "Les choses ont vraiment évolué d’une façon merveilleuse. J’en récolte les bénéfices."
Ce sera le 3è voyage de Stewart dans le sud de la France, où les fans l’adorent, ainsi que la presse. Elle est allée à Cannes la première fois en 2012 avec 'On the Road', puis y est retourner 2 ans plus tard avec 'Sils Maria'. Elle se souvient être allée aux César, ne sachant pas exactement ce que c’était."C’est vraiment un putain de gros truc" dit-elle. Au contraire des Oscar, il n’y a pas de limite de temps pour faire son speech d’acceptation, alors le show s’étire en longueur sur plus de 4 heures. C’était aussi tout en français, une langue que Stewart ne parle pas.
Elle avait été prévenue par sa co-star, Juliette Binoche, qu’elle ne serait jamais appelée pour monter sur la scène, mais elle devint la première actrice américaine à recevoir le prix. Elle avait préparé un discours en cas d’imprévu. "Si je gagnais, alors j’irai sur scène et dirai, « Désolée, je ne parle pas français », en français et remercierai Olivier et Juliette, ce que j’ai fait. Peut-être ?" La cérémonie ne s’est pas terminée avant 1 h du matin, à cause de toute cette longue litanie de remerciements. " J’ai dû prendre un putain de repas à 3 heures du matin" dit-elle. "Je m’endormais."
Après Cannes, Stewart aura finalement quelque temps pour se reposer. Elle ne prendra pas d’autre rôle avant qu’elle ne dirige elle-même un court-métrage qu’elle a écrit il y a quelques années ; une histoire non linéaire avec seulement un acteur. Comme Foster, elle envisage une carrière en tant que metteur en scène.
"J’ai grandi sur un plateau de tournage, et avant d’être une actrice, je voulais tellement faire partie de tout cet ensemble, où tout le monde protégeait ce trésor" dit-elle. "Tout le monde ferait des conneries stupides, travaillerait beaucoup trop d’heures et sacrifierait leur vie pour découvrir quelque chose. Je ressens cette protection, et je sais que cette possibilité existe. Je veux en être responsable de toutes mes forces."