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The Real Kristen Stewart
30 juin 2015

Olivier Assayas parle de Kristen, de Sils Maria et Personal Shopper

Dans une nouvelle interview pour le site français Télérama, Olivier Assayas parle de Kristen mais aussi de 'Sils Maria' et de 'Personal Shopper'...

 

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Etes-vous encore  un cinéaste français... ?

Je ne sais plus à qui attribuer cette phrase : « Il faut se méfier de ce que l'on veut devenir, on finit par l'être »... J'ai théorisé très tôt qu'il y avait une mondialisation du cinéma d'auteur. J'ai toujours été mal à l'aise avec l'aspect étriqué, fermé sur soi, du cinéma français. C'est un des meilleurs cinémas au monde, là n'est pas le débat. Il est riche, divers, mais très insulaire. Et en souffre. Pas en termes de commerce mais dans son aptitude à raconter le monde.
Qu'est-ce qu'on peut raconter du monde à travers le cinéma ? L'évolution du monde, c'est une accélération de la communication entre les pays et les cultures. On voyage davantage, on se sert de l'anglais. Autant c'est une galère atroce de financer des films en France – il faut par exemple passer devant des commissions, alors que mes scénarios ne sont pas écrits pour ça –, autant je peux combler ce qui manque par des ventes internationales. Il y a eu des rétrospectives de mes films dans le monde entier avant qu'il n'y en ait eu en France. J'ai beaucoup voyagé, j'ai fini par avoir une notoriété qui me permet de financer mes films à l'international. Quand je fais Clouds of Sils Maria – Sils Maria est le titre choisi par le distributeur français – ce que j'ai mis en place marche au carré : le film est en anglais, il est un vrai succès mondial dont la carrière française est minime par rapport à la carrière internationale. Il aura été autant vu aux Etats-Unis qu'en France...

 

Avez-vous profité de la standardisation du cinéma américain ?

Je parlerai davantage de mécanisation, d'industrialisation du cinéma américain. Des acteurs de la notoriété de Kristen Stewart se retrouvent dans des films où, même pour un simple gros plan, il y a 18 camions, une rue entièrement bloquée, des types qui aboient dans tous les sens dans leurs talkies-walkies. C'est logistiquement délirant et ça les prive du temps et de l'espace qu'ils trouvaient jadis en quittant de temps à autre le cinéma majoritaire pour tourner dans un film d'auteur... Cette liberté-là n'existe plus dans le cinéma américain. Même le rapport au récit n'est plus le même : quand Kristen Stewart a vu Sils Maria, elle était stupéfaite d'y trouver toutes les scènes qu'elle avait tournées. « C'est la première fois ! », m'a-t-elle dit. Elle était déjà étonnée qu'on ait filmé tout le scénario, et encore plus que le scénario se retrouve entièrement à l'image, sans dix-huit couches de montage... Et puis les trois quarts des scènes dans les films américains se tournent sur fond vert, c'est l'avènement du monde des effets spéciaux et, pour les acteurs, c'est clairement de moins en moins marrant, de plus en plus contraignant.

 

Sils Maria frappe par son ancrage précis dans le monde d'aujourd'hui. Etre contemporain, c'est important ?

C'est essentiel. J'ai toujours considéré que l'inspiration devait être dans le monde réel et pas dans le cinéma. Beaucoup de cinéastes ont ce travers d'aller chercher dans les films du passé des modes de représentation du monde. Ils se demandent comment ça a été fait dans d'autres films, vont à la vidéothèque, s'inspirent de ce qu'ils voient. Mais rien n'est immuable : si je dois représenter à l'écran un metteur en scène de théâtre aujourd'hui, ce n'est pas la même chose qu'il y a quatre ou six ans. Idem pour le sentiment amoureux : les choses se reformulent constamment... Le cinéma est un art du présent. Dans Sils Maria, je pose une question éternelle : qu'est-ce que nous fait le passage du temps ? Pour que cette question ait du sens, je dois situer le film dans un présent qui ressemble à celui dans lequel vit le spectateur. D'autres créateurs l'ont fait avant moi : à la minute où est inventé le téléphone, Sacha Guitry en fait un outil dramaturgique d'importance. Le cinéma doit être synchrone avec le monde. Mon modèle, en un sens, reste L'Eau froide, que j'ai réalisé en 1994. C'est un film qui produit en moi un fort effet de trouble. Quand j'en revois des fragments, il ne s'agit plus d'un film sur les années 1970 tourné dans les années 1990, mais plutôt un film des années 1970. Avec le temps, sa date de tournage devient indiscernable, j'aurais pu le faire à 15 ans tellement il est synchrone de cette histoire-là...

 

Un peu de curiosité « people »: dans Sils Maria, vous dirigez deux très jeunes actrices du cinéma américain, Chloë Grace Moretz et Kristen Stewart. Qu'est-ce qui les différencie ?

A peu près tout, sauf le talent. J'ai choisi Chloé Grace Moretz au terme de conversations via Skype. En regardant sur Google, je me suis aperçu qu'elle n'avait que 16 ans. Cela n'avait pas de sens, je ne pouvais pas imaginer avoir parlé à une fille de 16 ans. Je suis allé la voir à Toronto où elle était en tournage, et je l'ai trouvée d'une maturité incroyable. Chloë est facétieuse ; Kristen Stewart est dark. Elle possède une intensité surprenante, c'est un samouraï. Bien qu'elle fût déjà une star, le cinéma américain l'a découverte grâce à Sils Maria« Alors, elle sait jouer ? » Mais elle était déjà géniale dans ses films précédents !

 

Vous allez tourner en fin d'année un nouveau film intitulé Personal Shopper. Que pouvez-vous nous en dire ?

Que j'aimerais bien être déjà en tournage ! Mais j'ai choisi d'attendre Kristen Stewart, qui a enchaîné les films d'Ang Lee et de Woody Allen – la preuve que sa carrière américaine a changé. Ce sera un film très centré autour d'elle, et qui est une sorte de film de fantômes. Je suis encore dans une situation bizarre. Mes films tombent dans un point aveugle du système de financement : bien que produits par un producteur français, comme ils sont en anglais, ils n'ont pas droit au crédit d'impôt, et seulement à une version réduite du fond de soutien. Alors qu'un producteur américain venant tourner un film américain en France bénéficie du crédit d'impôt. Comme pour Sils Maria, dont on a dû tourner les intérieurs à Leipzig et à Halle, dans l'ex-Allemagne de l'Est, on tournera les intérieurs de Personal shopper, qui se passe entièrement a Paris, en Hongrie ou en République tchèque, selon le plus offrant...

 

Source: Télérama

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